J'en parlais dans d'autres avis sur des albums où il était en feat depuis le début de l'année ; BEN plg est dans la forme de sa vie. Il dévoile donc un 11 titres, un peu plus d'un an après Dire je t'aime, et confirme qu'il n'a jamais été aussi bon en tant que rappeur. Les flows, la voix, et surtout la précision des images dans l'écriture : dans son style, il est imprenable. Toujours politique, et souvent aussi, comme depuis le début (avant Nouvelle École donc), dans une description presque ethnographique de sa périphérique, des PMU et des plats de pâtes. Ce n'est jamais misérabiliste, ni glorifié ; autrement dit toujours juste. Des phases contre l'industrie, contre la police, contre les agresseurs... Tout y e, et les tournures sont toujours bien senties. Un seul exemple, particulièrement brillant :
À force de voir toute cette violence, on n'a plus de couleur dans la rétine / Chez moi, la police arrête pas les violeurs, parce qu'ils ont peur du sous-effectif / Si tu veux parler, t'en payes le prix, si tu réussis, tu fais le tri
Les prods sont elles aussi assez formidables ; Lucci et MURER ont bien bossé pour proposer la synthèse des batteries et des synthés chauds du premier, et des pianos inquiétants suppléments 808 qui tâchent du second. Magnifique sample sur l'outro également.
Petites réserves sur le format, que je trouve soit trop court soit trop long ; si c'est un album, il aurait fallu un peu plus de titres, et surtout des titres plus longs. Pourquoi ne pas assumer de revenir au format EP, qui lui allait si bien, et se limiter à 7-8 titres en ne gardant que les meilleurs ? La fin de l'album est d'ailleurs encore plus solide que le début, et aurait fait un magnifique projet court. Vivement la suite quand même, que ce soit en format court ou long ; à ce niveau de rap là, on prendra tout ce qu'il nous donnera.
Une conclusion qui me peine, mais que je ne pouvais pas ne pas aborder : le feat avec ZKR, accusé ou en tout cas suspecté par une vidéo qui tourne sur Twitter de violences conjugales, fait plus que tâche et a bien failli me décourager d'écouter l'album. C'est un choix répugnant pour n'importe quel artiste, mais a fortiori pour BEN plg, tellement engagé (plus que tout autre rappeur que j'aurais en tête) sur ces questions, présent à la Fête de l'Huma, à l'initiative d'une magnifique tournée pirate avec Grünt pour soutenir les financements de la culture... On est en droit d'attendre une exemplarité de cet artiste là. Il a donné des explications semi-convaincantes et en tout cas pas complètement à côté de la plaque dans son live avec Mehdi Maïzi. Personnellement, j'ai décidé de faire comme si le morceau n'était pas sur l'album. Espérons que l'on n'apprenne rien de plus sombre, et que ce genre de choix de collaboration ne se reproduise jamais. À noter que la réaction de sa très engagée (dans les deux sens du terme) fanbase (dont je considère faire partie) sur les réseaux va à mon avis le faire réfléchir longuement à cette histoire ; c'est toujours ça de pris.