Grâce à Who's Next, les Who sont és dans une autre dimension en réalisant l'album le plus abouti et le plus mature de leur histoire, malgré le fait qu'il ait accouché après l'échec du trop ambitieux - et il faut bien le dire, incompréhensible - projet Lifehouse. La réussite de Who's Next tient avant tout à son "son", fruit de l'usage osé des synthétiseurs et de la production de Glyn Johns. On pourra regretter le son "garage" des précédents efforts et trouver ce son trop aseptisé et pas assez rauque. Pourtant paradoxalement, c'est avec ce son que les Who arrivent à exprimer le mieux sur disque, leur énergie et leur puissance.
Car ce sont les synthétiseurs qui permettent de donner à la guitare de Townshend malgré un jeu souvent minimaliste toute sa puissance (comme sur Baba O'Riley ou Won't Get Fooled Again), ce sont aussi eux qui offrent à la basse d'Entwistle et à la batterie de Keith Moon, l'espace de liberté nécessaire à leur sauvagerie rythmique (Bargain). Et c'est dans cet univers que Roger Daltrey réussit à trouver sa voix: une voix puissante, rocailleuse, venant des tripes, loin des minauderies de Pictures of Lily ou de Substitute.
Au-delà de ce son, il y a aussi la qualité des compositions de Townshend, beaucoup plus travaillées, offrant un énorme espace d'expression à ses collègues, mais un espace où tout semble maîtrisé, où chaque roulement de toms, chaque ligne de basse, sont contrôlés ou rien de manque et rien n'est à ajouter. Townshend a souvent dit qu'il n'aimait pas cet album parce qu'il personnifie l'échec de son projet Lifehouse. Mais vu la qualité de Who's Next, on ne peut que le remercier de s'être planté...