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Il y a des films qui tentent de ranimer les morts à coups de métaphores technologiques, et d’autres qui les laissent pourrir dans l’idée même de vouloir les faire revivre. Another End navigue entre ces deux spectres sans jamais vraiment choisir son camp, comme un être endeuillé qui refait obstinément de fermer les yeux sur le cadavre. Piero Messina, après l’apesanteur de L’Attente, revient avec une ambition tangible mais aussi une pesanteur d’intention qui confine à l’étouffement. On comprend ce qu’il veut faire, c’est même ce qui rend la déception plus cuisante : il voulait nous attraper le cœur à travers un récit de science-fiction lente, éthérée, désincarnée, où les émotions auraient dû surgir d’un monde refroidi. Mais à force de tenir la douleur à distance respectueuse, c’est le spectateur qu’il laisse sur le pas de la porte, grelottant, exclu, exaspéré.
Le pitch avait pourtant de quoi soulever le désir : dans un futur proche, une entreprise permet à ceux qui ont perdu un proche de leur dire adieu en réimplantant temporairement les souvenirs du défunt dans un hôte vivant. Sal, incarné par Gael García Bernal, accepte de revoir sa compagne décédée sous cette forme d’emprunt, dans un dernier simulacre d’amour et de regret. On imagine alors que la tension viendra de la confusion, de l’illusion, du vertige existentiel – mais Messina reste paralysé par son propre dispositif. Le film glisse lentement, très lentement, dans une brume contemplative, sans jamais cre ni la psychologie des personnages, ni les enjeux moraux vertigineux de cette technologie post-mortem. Gael García Bernal fait ce qu’il peut, mais il semble flotter lui aussi dans ce formol esthétique, presque figé. Quant à Bérénice Bejo, hôte programmée pour accueillir la mémoire d’une morte, elle semble porter tout le film sur ses épaules mais avec un rôle si désincarné qu’elle devient, malgré elle, transparente.
La mise en scène, ultra léchée, froide, comme polie par la glace, semble vouloir rivaliser avec les standards visuels de Jonathan Glazer ou même d’un Yorgos Lanthimos version ralenti sous morphine. Les cadres sont nets, pensés, millimétrés. Trop. On a l’impression d’assister à une succession de tableaux mortuaires, où la beauté plastifiée ne laisse aucune place à l’organique, ni même à l’accident. Tout est figé, prévu, inerte. Même la douleur devient un accessoire scénographique.
C’est sans doute là que le bât blesse le plus : Messina parle de l’inable, mais sans jamais le rendre inable. Il sublime le deuil à tel point qu’il l’annule. Il veut donner du sens à l’absence, mais en rationalisant l’irrationnel, il le vide de sa substance. Another End, c’est un film qui pleure en silence dans une pièce close, sans que personne n’entende. La solitude de ce cri muet est peut-être belle sur le papier, mais elle ne touche pas. Pire, elle agace. On ressort de cette expérience ni bouleversé, ni intrigué, simplement vidé. Un bel écrin pour une émotion fantôme.