Des hommes d'honneur par pierrick_D_

Sur la base navale américaine de Guantanamo,deux jeunes Marines soumettent un de leurs camarades à un Code Rouge.Dans le jargon fleuri des militaires,ça correspond à ce que nous misérables civils appelons un bizutage.En l'occurrence ça tourne mal et le bizuté décède.L'US Navy est bien embêtée et se voit contrainte d'engager une procédure judiciaire devant un tribunal militaire,car ces affaires se règlent en famille.Le lieutenant Daniel Kaffee,avocat doué mais désinvolte,est désigné pour défendre les accusés.Ceux-ci refusant l'arrangement consistant à plaider coupable afin de s'en tirer avec une peine légère,il va devoir aller jusqu'à un procès s'annonçant difficile étant donné que les mis en cause ne nient pas les faits."Des hommes d'honneur" fait partie de ces nombreux films qui ont impressionné vus dans leur jus des années 90 mais qui ont horriblement mal vieilli.Rob Reiner a du métier et délivre une mise en scène d'excellente facture,maîtrisant la narration à l'aide de plans bien cadrés s'enchaînant harmonieusement,mais l'emballage sonore et visuel est moins heureux entre une musique violoneuse de Marc Shaiman et une photo sans charme du grand Robert Richardson.Mais ce qui pèche le plus est le scénario d'Aaron Sorkin,son premier pour le cinéma,adaptant une de ses pièces à succès.Car oui,c'est du théâtre filmé et,si ça ait bien en 92,les coutures apparaissent aujourd'hui clairement.Ce n'est pas de la faute de Reiner,qui se démène pour aérer l'histoire en alternant habilement les lieux de l'intrigue,mais tout repose de manière évidente sur des dialogues très écrits,au fil de multiples conversations.C'est du cinéma bavard et progressiste qui accumule les arguties juridiques plus ou moins compréhensibles malgré un louable effort de vulgarisation.De fait on ne fait pas dans la subtilité avec cette bande de bidasses demeurés et robotisés par une formation fanatique dispensée par des officiers réacs et racistes qui mentent sous serment tels des arracheurs de dents,les hommes d'honneur du titre étant sans doute un trait d'ironie de l'auteur.En face d'eux se dresse l'éternel héros se débattant au milieu de ses traumas d'enfance et autres complexes dus à la figure écrasante d'un paternel qui était un brillant avocat,ce qui explique son arrogance feinte et sa décontraction affichée en toute circonstance.Au milieu de ce festival de clichés on a JoAnne,le lieutenant qui assiste Kaffee et qui,nanti de son indispensable sensibilité féminine,l'amènera à voir les choses sous le bon angle.Et tous ces braves gens discutent à perte de vue et de manière répétitive à propos de la meilleure façon de sauver le cul du duo d'abrutis.Là on franchit un cap car on nous explique doctement qu'il est normal que deux assassins soient acquittés parce qu'ils sont militaires.Dans le civil,si des mecs tuent quelqu'un pour le compte d'un commanditaire,tout le monde est condamné.Mais pas dans l'armée américaine car les types sont obligés d'obéir aux ordres,ils ne font donc que leur boulot.Il se trouve que le colonel Jessep,commandant la base,voulait endurcir la victime,un soldat sous-doué,en le malmenant quelque peu.Il a donc ordonné le fameux Code Rouge au lieutenant Kendrick,lequel a transmis l'ordre aux deux couillons Dawson et Downey,qui ont involontairement tué le pauvre gars.Homicide involontaire certes,mais personne ne leur avait demandé d'aller aussi loin,seulement Sorkin veut absolument la peau des officiers,et surtout de Jessep,qui représente vraisemblablement tout ce qu'il déteste en tant que bobo new-yorkais,à savoir le courage physique,l'autorité,le patriotisme effréné et les idées très à droite,un monde à l'opposé de ses valeurs de chouquette.Certaines es d'armes au tribunal sont bien troussées,mais le final en constituant le climax est complètement foiré avec le duel à mort entre Kaffee et Jessep.On voit bien que l'avocat n'a rien dans son jeu et qu'il tente désespérément de faire craquer le colonel mais celui-ci,qui en plus d'être un salaud est aussi un con,n'y voit que du feu et tombe dans le piège comme un débutant alors qu'il lui aurait été facile d'ignorer les provocations de son adversaire.C'est ce que n'importe qui d'à peu près structuré mentalement aurait fait mais lui,un officier supérieur aux nerfs d'acier commandant une unité d'élite,en est incapable.On y croit Aaron,on y croit.Un mot pour finir sur Guantanamo,une base située à.....Cuba!Personne ne connaissait cette villégiature avant que ça ne devienne en 2002 un hôtel de torture trois étoiles pour arabes en goguette,mais il est étonnant quand on connait les relations cordiales qu'entretiennent Américains et Cubains d'apprendre qu'un tel endroit existe plus d'un siècle après l'indépendance de l'île.Il s'agirait d'une sorte de contrat caduque auquel les ricains s'accrocheraient plus ou moins légalement afin de se maintenir sur place.Castro a bien essayé de les virer à partir de 59,après la révolution cubaine,mais la loi du plus fort s'applique partout.Le roi du show est un Tom Cruise mauvais comme une Baie des Cochons qui en fait 36000 fois trop en avocat intrépide.On a connu l'acteur plus inspiré mais là ce festival de grimaces tordues et de gesticulations incontrôlées se révèle à la limite du able.La présence en haut de l'affiche de Jack Nicholson est une arnaque vu qu'il n'apparait qu'un peu au début et un peu à la fin,les vedettes étant les trois avocats joués par Cruise,Pollak et Demi Moore,même le procureur interprété par Kevin Bacon est plus important dans le film.Ceci dit le vieux Jack se délecte visiblement d'ajouter un salaud intégral de plus à son palmarès,son éventail de grimaces débiles n'ayant rien à envier à celui de Tom.Kevin Pollak est très bon en avocat adt,sa sobriété tranchant agréablement avec les guignolades de Cruise.Quant à Demi,elle parait perdue et ne convainc guère avec ses tirades humanistes à la gomme.Kevin Bacon fait une nouvelle fois la preuve de son inaltérable classe en procureur rusé et tenace,tout comme J.T. Walsh en commandant en second de Guantanamo plus modéré que son supérieur.Les accusés sont joués par l'inconnu Wolfgang Bodison et par James Marshall,le petit ami de Laura Palmer dans "Twin Peaks".Raides,disciplinés et obstinés,ils sont saisissants en soldats lobotomisés.Parmi leurs camarades on voit er quelques pointures comme Kiefer Sutherland en lieutenant faux-jeton,Noah Wyle en bidasse rigolo et détendu,et Cuba,un prénom de circonstance,Gooding Jr. qui retrouvera Cruise quatre ans plus tard pour "Jerry Maguire",qui lui vaudra l'Oscar du second rôle.

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le 23 mai 2025

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