Excusez ce titre peu orthodoxe, qui prend tout son sens après visionnage du film.
Après avoir remporté le César de la meilleure actrice il y a quelques mois, Hafsia Herzi revient avec son nouveau long-métrage, La Petite Dernière.
Le film adapte l'autobiographie de Fatima Daas sortie en 2020, dépeignant le portrait d'une jeune musulmane pratiquante qui découvre son homosexualité. Une attirance très difficile à assumer, au sein d'une famille d'immigrés algériens, et d'un environnement de banlieue parisienne particulièrement intolérant.
Cette difficulté est très bien exprimée dans les premières séquences du film, exposant une homophobie banalisée dans le milieu scolaire, à travers le harcèlement moral et verbal d'un élève gay. Un harcèlement qui va pousser Fatima à bout mentalement, à l'image de sa confrontation intérieure entre homosexualité assumée et homosexualité refoulée. La masculinité (ou plutôt manque de féminité) du personnage est également critiquée par son entourage, de par son apparence vestimentaire, ou sa pratique du football.
Ainsi, le film va rapidement se transformer en coming of age d'une douceur et d'une pudeur magnifique. Fatima va peu à peu se découvrir, à travers la rencontre d'individus très variés, tantôt timides, tantôt extravertis. Son personnage est interprété par l'excellente Nadia Melliti, découverte dans un casting sauvage lors d'une pride, et lauréate du Prix d’interprétation féminine au dernier Festival de Cannes.
Tous les comédiens sont globalement formidables, offrant bon nombre de séquences véritablement solaires. On peut alors citer cette scène de premier repas à l'université, ou encore cette superbe première rencontre dans une voiture (avec une personne plus âgée), faisant office de véritable première fois verbale. L'apogée émotionnelle du récit étant, à mes yeux, cette splendide scène de pride. Rien n'est forcé ou appuyé, et le film traite ses personnages avec une justesse rare.
Cet éveil amoureux est par ailleurs porté par une réalisation extrêmement soignée, avec notamment une omniprésence du bleu royal à l'image. Symbolisant l'attirance pour le sexe opposé dans le langage LGBT, ce bleu royal va alors progressivement disparaître, à l'image de ce personnage qui accepte peu à peu son homosexualité.
En parallèle de cette appropriation d'une nouvelle attirance, l'œuvre a la brillante idée de questionner le point de vue clairement rétrograde de la religion sur ces notions. Quel courage de la part de la cinéaste française de confronter frontalement la confession musulmane (à travers de nombreuses scènes de prières), et cette découverte d'une sexualité contestée.
Une confrontation merveilleusement illustrée par cette scène de discussion entre Fatima et l'immam de sa mosquée, exposant fatalement l'ancrage profond du patriarcat au sein des cultures islamiques. Patriarcat également dépeint par le très beau personnage de la mère de famille, toujours occupée à cuisiner et/ou s'occuper de ses enfants (avec un sourire et une bienveillance désarmante).
Malheureusement, j'avoue avoir un peu perdu de cette justesse dans la deuxième partie du long-métrage. Certaines séquences ne fonctionnent pas totalement, tentant de réappuyer un message déjà parfaitement clair. Je pense tout particulièrement à ces soirées à répétition, qui finissent par ne plus raconter grand-chose, ou ces cours de philosophie, qui surlignent à l'excès « L'ÉMANCIPATION » de Fatima (vous l'avez ?). En plus de quelques rares personnages au comportement douteux (les demandes insistantes carrément inables pour un plan à 3 ?).
Mais surtout, la thématique de la dépression débarque comme un cheveu sur la soupe, avec un traitement (et tout particulièrement une conclusion) qui me paraît sacrément problématique. Puis bon, faire la blague « tu manges du chien ? » à un personnage asiatique en 2025... pas sûr.
Pour autant, La Petite Dernière est évidemment une proposition que j'ai envie de chérir, et de défendre. Car derrière ce projet ambitieux (et assez casse-gueule), réside avant tout un magnifique message d'acceptation. Rappelant toute l'importance de la représentation au cinéma, et invitant tout un chacun à assumer ses émotions profondes. Une Queer Palm on ne peut plus mérité, quoique plombé par certaines errances scénaristiques, notamment dans sa deuxième moitié.
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