Voici donc la petite chose qui m'a obligé à quitter "Un grand voyage vers la nuit".
Cette œuvre pose en tant qu'objet cinématographique deux questions fondamentales : le formalisme est-il un défaut et un film doit-il forcément raconter une histoire, allant d'un point A à un point B, avec pour les relier des accroches scénaristiques, des (r)évolutions dans le récit ? J'évoque ceci car il semblerait que ses détracteurs "cannois" lui aient reproché ces deux points.
Perso je me suis fait une religion depuis longtemps à ce niveau et aux deux questions je réponds NON. Ce "Lac aux oies sauvages" est en effet un cas d'école car il n'est fait que de mise en scène, et c'est par ce biais qu'il provoque l'adhésion au récit, l'impression de voir se dérouler une histoire palpitante, qu'il donne le frisson et fait monter les larmes. Combien de produits aux dizaines de rebondissements, écrits pour compenser l'absence de matière brute, inondent les écrans ? Des tonnes, des caisses, des palettes.
Alors que des films échafaudés sur un canevas minimaliste mais dont certaines images vous hanteront encore dans 30 ans, là ils ne sont pas légion. Je me souviendrai toujours de cette violence sèche, sorte de coitus interruptus, de motos semblant voler dans les ruelles, d'une pluie (presque) sans fin (non non pas "Nuit du chasseur" et d'une femme aux cheveux courts pas décidée à avaler n'importe quoi, d'une fin de traque qui sidère par son absence de facilité artistique. Des chapeaux, des voiles, des baigneuses redront mes nuits...
Diao Yi'nan est assurément un disciple de Dardenne. Et ça je n'en décolère pas car qu'on aime ou non ces "Oies sauvages", difficile de ne pas constater qu'à ce niveau c'est du lourd, du très lourd.
En tout cas pour le moment de mon côté c'est une Palme d'Or, et je peux vous assurer qu'il va falloir être costaud pour venir le détrôner. Je brûle d'impatience qu'arrive le 27 novembre et que nous puissions en discuter, sauvagement s'il le faut.