The Phoenician Scheme
6.1
The Phoenician Scheme

Film de Wes Anderson (2025)

The Phoenician Scheme par Spectateur-Lambda


J'avais à propos du précédent long métrage de Wes Anderson "Asteroid city" , émis avec regrets tant je suis attaché et sensible à son style, mes premières réserves notamment en regrettant un scénario qui trop dense finissait par perdre son spectateur dans des sous intrigues et des histoires dans l'histoire qui n'étaient pas conclues et ne se justifiaient que pour permettre à un casting à rallonges d'exister. Soulignant ainsi, ce qu'habituellement j'estime comme la force du cinéma du plus formaliste des cinéastes modernes, sa forme justement qui là ne m'apparaissait plus comme ionnante, mais comme système emmuré dans sa méthode.


J'allais donc découvrir sa nouvelle proposition, j'exclus sa série de courts métrages produite pour Netflix ne les ayant pas vus, avec un mélange d'excitation et d'appréhension. "Asteroid city" allait il être la première d'une série de désillusions ou juste un faux pas ? Même s'il est sans doute trop tôt pour affirmer quoi que ce soit, je suis sorti de ma séance rassuré et ragaillardi. Quand comme moi on aime Wes Anderson - car si vous faites partie de ceux qui n'y sont pas sensibles, voire réfractaires, épargnez vous l'expérience, non seulement il conserve toute sa grammaire mais il la pousse dans des retranchements encore plus radicaux - se rendre en salle pour voir ses films c'est un peu comme aller chez ce vieux pote, qu'on ne voit pas forcément tous les jours, mais qu'on connait depuis assez longtemps pour être chez lui comme à la maison. On y est bien, on n'a pas besoin de meubler des silences gênants par des paroles vides de sens, on s'invite au repas de famille avec naturel et les blagues qui ne faisaient rire que nous naguère continuent de nous am.


J'ai toujours tenu à souligner la mélancolie qui innerve le cinéma du cinéaste dont l'aspect coloré, les pastels de ses décors, l'obsessionnelle symétrie et le parfum très enfantin de ses mises en scène qu'on croirait sorties d'un imaginaire du système D, semble servir d'exutoire à quelque chose de l'ordre de la noirceur. A bien y regarder des thématiques telles que la mort, l'enfance contrariée ou la famille dysfonctionnelle reviennent régulièrement. Même des notions plus en liens avec les défis de la société comme l'environnement ou le libéralisme sont abordés comme des comptines faussement innocentes. C'est là je pense toute l'intelligence feutrée de sa filmographie, dérober à notre première impression la volonté d'un cinéma plus dramatique que comédie, pour ensuite par touches subtiles sans forcer nous dévoiler une politesse du pessimisme.


Avec "The Phoenician Scheme" que les contempteurs ne manqueront pas de qualifier de redite sans âme et sans surprises, sans prise de risques, de ses manies et obsessions, le système Wes Anderson. Même si à quelques endroits on sent qu'il a voulu tenter une autre approche de la mise en scène, qu'il a voulu emmener son petit théâtre de marionnettes vers une sorte de folie inédite, on ressent néanmoins son inconfort comme créateur de mondes allégoriques à renier sa singularité. Je me demande toutefois, si on a pas ici son film le plus sombre, violent, nihiliste de sa filmographie, dès l'entame on a droit à une explosion, la mort, du sang, ce qui déjà ne constituent pas des briques essentielles de son œuvre mais en plus toute la tonalité du film va de façon nouvelle me semble t'il cre cet aspect y compris dans son humour. Je ne me souviens pas dans ses films précédents d'un humour aussi noir qu'ici, on rit et assez régulièrement, de situations où les personnages souffrent, on rit de chutes, de coups, parfois de violences psychologiques, c'est presque un rire cynique et inhabituellement malsain chez lui.


Cette différence qui pourra paraître un détail à qui ne goûte pas le style Wes Anderson, initie peut-être sans tambours ni trompettes une nouvelle ère dans laquelle on ne révolutionnera pas un maniérisme d'une maitrise folle, mais dans laquelle il parviendra encore à nous subjuguer d'une façon ou d'une autre, à jouer des soli en gammes majeures plus évidentes et à réserver la légèreté des arrangements mineurs à quelques moments choisis.


Le film est d'une générosité indiscutable, tant dans l'accumulation de séquences mémorables - celle du match de basket est géniale - que dans le soin méticuleux à construire un monde aussi factice qu'attachant et crédible dans le Momentum du récit narré. Pour moi un vrai retour en grâce qui me donnerait presque envie de revoir "Asteroid city" pour être sûr de mes réticences à son encontre.

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il y a 2 jours

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Spectateur-Lambda

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