La Valeur sentimentale, dans le film de Joachim Trier, c'est celle accordée à la magnifique maison familiale, mais l'expression peut à coup sûr s'étendre aux relations difficiles entre un père cinéaste, plus souvent absent qu'à son tour, et ses deux filles qui ont suivi des voies professionnelles différentes. L'une joue, l'autre pas, l'une semble équilibrée, l'autre moins, mais ces deux sœurs ont beaucoup en commun, à commencer par leur enfance. Il manque une sœur pour se retrouver chez Tchekhov, mais l'atmosphère est bien dans ce registre-là, à moins de préférer parler de climat Bergmanien; ce qui n'est pas faux, non plus. Mais au-delà des influences éventuelles, ce qui séduit dans Valeur sentimentale, c'est son humanité, souvent blessée, et l'intensité douce de scènes qui se succèdent, sans que l'on sache jamais quel personnage va être privilégié dans la prochaine séquence, chacun à leur tour, isolément ou ensemble. Des portraits croisés, en somme, plus complexes qu'il n'y paraît, et un rappel des générations précédentes dont les drames ont nourri l'histoire familiale et celle de la maison qui l'a abritée. Valeur sentimentale est un ouvrage à la musicalité et à la poésie certaines, irablement servies par l'élégance de la mise en scène de Joachim Trier et la qualité de ses interprètes, de l'illustre Stellan Skarsgård à la désormais indispensable Renate Reinsve (sa prestation est à mille lieux de celle de La Convocation), en ant par l'inconnue Inga Ibsdotter Lilleaas. Ils contribuent tous à ce que ces instants norvégiens deviennent inoubliables.