Clairement l’une de mes plus grosses attentes de l'année. Roustaee est un cinéaste qui me ionne, et je voue un amour inconditionnel à ses deux précédents longs-métrages (La Loi de Téhéran et Leïla et ses frères). Un amour que j'ai instantanément retrouvé dans la première heure du long-métrage.
On est clairement en terrain connu, avec une plongée profonde et âpre au sein de la vie iranienne. L'œuvre semble vouloir tout particulièrement traiter la figure d'Aliyar, un enfant considéré comme problématique car très turbulent à l'école. Connaissant la radicalité et la facette très politique du cinéma de Roustaee, je m'attendais à une critique brute et globale d'institutions défaillantes, mais aussi d'un système perverti par l'argent dès l'enfance, comme en témoigne la présence de jeux d'argent au sein de l'établissement scolaire.
Sauf qu'au contraire, le récit va finalement toujours rester très intimiste. À l'inverse de ses deux précédents longs-métrages, le réalisateur iranien décide de se cantonner (en grande majorité) à ce cercle familial restreint, afin d'étudier en profondeur les émotions et liens entre ces personnages. Woman and Child est avant tout le portrait d'une relation mère/fils dysfonctionnelle, mais aussi celui d'une mère célibataire en reconstruction, élevant seule ses enfants, et se questionnant sur la pertinence d'un éventuel nouveau mariage. Une thématique d'autant plus ionnante au cœur d'un système iranien viscéralement patriarcal.
Tous les comédiens sont absolument parfaits (notamment les enfants), et c'est toujours un plaisir de retrouver des têtes connues de l'univers du cinéaste (Parinaz Izadyar qui jouait la sœur dans La Loi de Téhéran, et Payman Maadi déjà présent dans les 2 longs précédents). Les dialogues sont brillants, et même si certains pourraient y voir une tragédie domestique grotesque et invraisemblable, je pense sincèrement que de tels événements sont plausibles dans ces communautés très familialistes.
Mais au-delà de cette écriture excellente, c'est bien la mise en scène de l'œuvre qui me reste le plus. Roustaee est indéniablement l'un de mes metteurs en scènes favoris, réussissant à déployer une narration visuelle dingue dans sa composition des cadres. Une réussite esthétique bourrée d'idées et de signifiance, et d'autant plus impressionnante au sein de décors pas franchement séduisant à première vue (bureaux, usines, hôpitaux, etc.). Mention spéciale à ces plans larges débordant de figurants, véritable signature du cinéaste au fil des films.
Pour autant, il me paraît obligatoire d'évoquer le revers scénaristique majeur du milieu de métrage. Un tournant très brutal, et très (trop) voyeuriste, qui m'a quelque peu perdu. Roustaee emprunte une branche inédite dans sa carrière, avec un récit très recentré sur l'humain, mais le réalisateur y laisse de sa justesse habituelle à mes yeux. L'écriture se perd un peu, avec des dialogues sur explicatifs, et tout se veut trop doloriste. Mais surtout, à vouloir trop forcer certaines émotions, le film n'en procure finalement presque aucune.
Heureusement, é ce segment assez bancal, le dernier tiers rattrape bien l'ensemble. Tout le mélange scénaristique précédent finit enfin par s'harmoniser, rebouclant des thématiques vraiment ionnantes (et pas si courantes). Jusqu'à un final qui, pour le coup, a réussi à m'emporter. C'est par ailleurs globalement très bien rythmé, et les 2h15 défilent en un instant.
Pour conclure, Roustaee a tenté des choses, et il est clair que la nouvelle formule manque de maîtrise. On peut alors se questionner sur les motivations du cinéaste derrière ce changement radical, délaissant ses dénonciations politiques brûlantes, pour un récit particulièrement sage.
Il me paraît alors essentiel de rappeler que le réalisateur avait été condamné en 2023 à six mois de prison, et à une interdiction de tourner pendant cinq ans. Or, cette dernière peine a finalement été diminuée, car ce nouveau film a été réalisé avec les autorisations requises par les autorités de son pays, et dans le respect des lois en vigueur. Il n'est donc pas inintéressant de s'interroger sur l'impact de ces mesures restrictives dans la conception du projet...
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