Ai-je surnoté The Who Sell Out ?
Si tel était le cas, c'est probablement dû à mon lien particulier avec cet album qui fut pour moi plus qu'un coup de cœur : un coup de foudre.
Si bien que Tommy, entendu plus tard, m'apparut dénué de magie, et que Who's Next, malgré son ouverture grandiose et sa conclusion tapageuse, totalement exempt de l'humour que j'avais adoré dans Sell Out.
Certainement l'instrumentation manque encore de relief, de puissance, et la voix de Roger Daltrey n'a pas encore atteint son envergure proto-metal, mais garde des accents adolescents qui s'accordent merveilleusement avec la parodie d'émission de radio-pirate aux envolées psychédéliques.
Juste après le faux jingle d'ouverture "Monday, Tuesday..." Armenia City in the Sky déploie une inventivité dans l'orchestration tout à fait novatrice, avec barrissements de cuivres venteux et brumeux.
Mon oreille de 17 ans, accoutumée aux ondoyantes litanies post-punk et new-wave, reçut Sell Out comme un superbe électrochoc.
- The Who ? c'est génial ce nouveau groupe !
- hé non Chick, c'est un vieux groupe et cet album a 20 ans*.
(*je vous parle d'un temps...)
Aujourd'hui The Who Sell Out approche les 60 ans. Et il n'a pas fini de me donner la banane.
Le groupe l'avait pensé comme un "album-concept" sans se prendre au sérieux. Cette conception fraîche et malicieuse du "concept album" se retrouve chez d'autres groupes : les Beatles de Sgt. Pepper, ou les Beach Boys de Pet Sounds. Jethro Tull a refusé l'étiquette pour Aqualung et l'a parodiée avec Thick as a Brick, Ian Anderson étant ablement agacé par ce qu'il considère alors comme une mode.
Les Who ont ensuite cédé à des sirènes conceptuelles plus sérieuses, le burlesque de Tommy étant purement involontaire.
Conclusion : dans son écrin facétieux de haricots ketchup, fausses pubs, avec ou sans les bonus ajoutés au fil des décennies, tout à la fois potache et céleste, The Who Sell Out mérite amplement la note maximale.
"What's for tea, daughter ?"